Le Premier ministre a confié une mission au député Loïc Dombreval relative à l’amélioration du bien-être des animaux de compagnie en France. Notre pays compte près de 63 millions d’animaux de compagnie, notamment chiens et chats. Le respect du bien-être des animaux en général fait l’objet d’une attente forte de la société. Néanmoins, beaucoup de lacunes concernant la considération du bien-être des animaux de compagnie sont encore trop fréquentes dans notre pays. Plusieurs axes peuvent être mis en réflexion :
-de prévention de l’abandon ;
-de l’encadrement des critères de sélection de races dites « hypertype » ;
-du suivi et la gestion des animaux mordeurs.
Ces trois thèmes montrent la faiblesse de la législation actuelle. Cela n’a pas échappé à Alliance Française Canine, laquelle, auditionnée par Monsieur le Député Loïc Dombreval, a fait des constats et des propositions. Nous nous sommes volontairement limités au domaine canin qui est notre spécialité. Lors de notre entretien, nous avons proposé des pistes d’amélioration et surtout un projet innovant pour dynamiser la cynophilie de demain.
Constats relatifs aux abandons.
Le nombre de 100 000 abandons annuels dont 60%, sont laissés dans la nature durant l’été, il est probable qu’il s’agisse malheureusement d’une sous-évaluation. Pour nous, ce qui limite l’abandon est souvent le prix d’achat. Un chien d’une certaine valeur est plus difficilement abandonné qu’un animal donné.
Pistes de prévention.
Il ressort du paragraphe précédent que l’achat ou l’adoption « coup de cœur ou non réfléchi » parait la cause la plus fréquente d’abandon. Afin de rendre cet achat ou adoption plus difficile, AFC préconise différentes pistes :
- Campagnes d’informations au public sur les conséquences en termes de temps, disponibilité, choix d’une race adaptée, argent et organisation liée à l’accueil d’un chien
- L’éducation animal à l’école, il s’agit de sensibiliser les enfants au respect des animaux.
- Interdictions de vente immédiate en animalerie ou en salon, afin d’éviter les achats compulsifs. L’idéal étant de n’avoir aucun animal en exposition mais que les acheteurs potentiels n’aient que des fiches de race ou de type (ce point aurait également un impact sur le bien-être animal, les chiots ne subissant pas le stress de la cage)
- Une formation et responsabilisation de l’acheteur. L’accueil d’un chien, devrait être conditionné à une formation ou un permis (sorte de certificat réactualisé à chaque nouveau chien), certains vendeurs cèdent des chiots à des personnes sans s’assurer qu’elles sont aptes à acquérir un chiot (ce point pourrait également être utile pour les chiens mordeurs)
- Créer des aides pour la conception de structures de garderies pour les chiens, chez les éleveurs et dans les associations de protection animale.
Constats relatifs à la sélection de races dites « hypertype » ;
LE BILAN DE LA SELECTION
Les morphologies extrêmes (hypertypes) posent de nombreux problèmes de santé. Les chiens hypertypés ne devraient pas pouvoir être utilisés comme améliorateurs et être sur utilisés comme reproducteurs comme c’est souvent le cas aujourd’hui. S’il existe un indéniable effet de « mode » et « d’esthétisme » chez les acheteurs, qui favorisent l’émergence des chiens hypertypes, il est indéniable également que les concours canins de beauté contribuent largement à l’apparition de chiens présentant des exagérations morphologiques.
La thèse vétérinaire de Morgane MICHEL (2017) « Les hypertypes chez les chiens et chats de race : étude bibliographique et observationnelle » définit les principales responsabilités :
Selon les juges :
- 45% d’entre eux ont reconnu que leur propre groupe professionnel était le principal responsable de l’existence et de la propagation des hypertypes,
- 35% estiment que la responsabilité vient plutôt des clubs de race et des éleveurs,
- 15% pensent que la SCC est responsable,
- 6% estiment que ce sont les acheteurs qui sont responsables,
Selon les clubs de race :
- 47% des responsables de clubs de race estiment également que les juges sont responsables,
- 33% pensent que la responsabilité vient plutôt des clubs de race et des éleveurs,
- 9% estiment que la SCC est responsable
- 11% pensent que ce sont les acheteurs qui sont responsables.
Dans un article de la revue cynophile de la SCC écrit par Raymond TRIQUET en 20142, il est clairement indiqué que le « culte du champion, l’hypertype spectaculaire, le bling-bling (sic) et le vedettariat » prennent le pas sur TOUT le reste ! Santé, fonctionnalité, équilibre rien de tout cela n’est pris en considération. On pourrait penser que depuis 2014 les choses ont évoluées ! Nous sommes loin d’en être convaincus.
Là encore les juges sont pointés du doigt, bien plus que les éleveurs et les propriétaires.
Nous ajouterons les vétérinaires qui contribuent à la demande du client éleveur ou propriétaire à répandre les hypertypes en pratiquant des opérations liées aux difficultés morphologiques des chiens (césariennes, voile du palais, entropion… etc.)
Les standards de race ont souvent été décriés et beaucoup de personnes disent qu’il faut les réviser. Mais les règles suivies par la cynophilie française sont celles de la Fédération Cynologique Internationale (FCI) qui interdit aux pays non-propriétaires du standard de les modifier. Ainsi de nombreuses races hypertypes ont un standard étranger et donc non modifiable par la France selon les règles de la FCI.
Pistes pour un meilleur encadrement.
- Modification des manifestations canines :
Monsieur TRIQUET dit « il existe une solution définitive pour lutter contre l’hypertype : éliminez en la cause, supprimez les expositions. » Cependant comme dans les autres espèces, l’évaluation des chiens recherchés dans la reproduction, l’évaluation du cheptel et les rencontres entre éleveurs nous semblent importantes. L’organisation actuelle de la cynophilie est basée sur un système assez monopolistique, avec des règles rendant impossibles la modification des standards étrangers ou des règlements des manifestations sur le plan national. Cette organisation a été confiée à des amateurs (au sens premier du terme) et uniquement à eux. Les connaissances scientifiques se heurtent régulièrement aux idées reçues, préjugés, croyances ou esprit élitiste des cynophiles. Cela est malheureusement entretenu par les instances reconnues qui affirment que l’inscription au LOF et les titres de champion sont un gage de qualité. La France pourrait facilement se dédouaner de ce système et en inventer un autre. En effet, la cynophilie française dépend de la FCI qui n’est qu’une association sans reconnaissance d’Etat, et ce sont ses règles qui s’appliquent en France.
Par ailleurs, la plupart des juges qui officient en France sont des juges « toutes races », et ne sont pas spécialistes des races qu’ils jugent. C’est également une porte ouverte à la valorisation de chiens spectaculaires. L’idéal serait de ne permettre que des évaluations uniquement dédiées à une race par un juge spécialiste. Les rencontres multi-races devraient être réservées à des activités physiques ou ludiques.
- Amélioration des méthodes de sélection :
Le système de cotation pourrait être largement amélioré en supprimant les résultats dans les concours de beauté et en y incluant des items scientifiques plus intéressants : valeur génétique, héritabilité, coefficient de détermination, santé tout au long de la vie (et non uniquement tests génétiques qui peuvent induire à terme une perte de diversité génétique). La valorisation de l’élevage reposerait alors sur la qualité du choix de chaque reproducteur afin de permettre aux éleveurs de réaliser des accouplements raisonnés.
La création d’un label regroupant la qualité de la sélection (rapport équilibré morphologie/santé), la qualité de la prise en charge au quotidien des chiens (bien -être animal) et la qualité comportementale des reproducteurs et des chiots permettrait aux élevages éthiques (et non plus aux élevages « champions ») de gagner en notoriété. Cela permettrait également de maintenir une morphologie fonctionnelle qui permet le bien-être et une reproduction normale.
La valorisation des activités physiques des chiens nous parait plus importante que la valorisation de la « beauté ». Les chiens hypertypes ne pouvant pas pratiquer des activités physiques (sportives, ludiques ou de travail) inclure un test de capacité physique adapté à la race et à la fonction est impératif dans la sélection.
- Implication des scientifiques
Si le système des évaluations est modifié, la présence d’un scientifique (spécialiste de l’anatomie fonctionnelle et de la santé) pourra être envisagée. L’expertise du scientifique détermine un pronostic technique sur la qualité morphologique et la santé du chien présenté.
De plus, les vétérinaires sont impliqués, souvent à leur corps défendant, du fait des opérations citées plus haut. Il va falloir que ce corps professionnel trouve une solution viable et applicable pour combattre ce phénomène. L’idée développée dans le rapport de 2015 (CGAAER) de vérifier la santé tout au long de la vie pourrait également être employée dans la sélection. Il faudrait alors que les données médicales puissent être utilisées sans être divulguées. Un vrai challenge !
Constats relatifs au suivi et la gestion des animaux mordeurs.
LES CHIENS MORDEURS, CHIFFRES ET BILAN DE LA LOI
Peu de chiffres exhaustifs existent sur les morsures de chiens en France. Une enquête avait été conduite sous la responsabilité de l’Institut de veille sanitaire (InVS), en collaboration avec l’association des vétérinaires comportementalistes Zoopsy, entre mai 2009 juin 2010 (donc un peu ancienne) se basant sur les études des services d’urgences de huit hôpitaux. Ce qui semble certain, dans le cadre de cette étude, c’est que « les morsures étaient plus nombreuses et plus graves quand la victime connaissait le chien mordeur. Chez les adultes, les morsures survenaient souvent lorsque la victime cherchait à séparer des chiens qui se battaient, alors que chez les enfants, les morsures survenaient davantage lorsque le chien était dérangé.
La loi sur les chiens dangereux qui se borne à déclarer que certaines races sont plus dangereuses que d’autres ne parait pas avoir réglé le problème des morsures. Il serait intéressant de mener une nouvelle enquête en complétant le questionnaire sur les chiens mordeurs afin d’avoir des données plus pertinentes sur les causes. Il serait intéressant par exemple de déterminer si l’origine du chien (conditions de début de vie du chiot, lieu d’achat…) les conditions d’éducation ou d’autres facteurs sont susceptibles d’influer sur le comportement agressif d’un chien. Certains items du questionnaire mériteraient d’être précisés. Par exemple : « lieu d’acquisition élevage » nous semble trop vague. Pour AFC, le principe d’une catégorie de chiens susceptibles d’être dangereux devrait être annulée, nous partons du principe que toutes les races peuvent être à risques !
Pistes d’évolution.
Rôle des éleveurs.
- Choix des reproductrices : une mère très sociable et équilibrée a plus de chance de donner des chiots sociables et équilibrés puisque c’est elle qui est en première ligne de l’éducation de ces futurs adultes,
- Prise en charge des chiots à l’élevage : des chiots privés de contacts normaux et variés avec l’homme mais aussi avec d’autres adultes chiens que leur propre mère, ou vivant leurs premières semaines dans des environnements pauvres se révèlent plus souvent moins équilibrés et moins éduqués sur les règles intra espèce. L’âge de cession des chiots est à respecter IMPERATIVEMENT.
- Appréciation et information des futurs propriétaires : l’éleveur devrait s’assurer que les propriétaires ont bien conscience de leur future responsabilité en matière d’éducation des chiots, des besoins spécifiques de la race, un livret d’information devrait pouvoir être remis aux futurs propriétaires.
Rôle des propriétaires.
- Education prise en charge du chien respect de ses besoins (formation 1)
- Connaissance des signaux canins (formation 1)
Rôle des vétérinaires
Être en veille par rapport aux comportements des chiens clients,
Être force de proposition et de conseil en cas de comportements inadaptés,
Être habilité à signaler l’inaction des propriétaires face à un comportement potentiellement dangereux,
Être habilité à faire des évaluations comportementales des chiens mordeurs.
Rôle de l’État
- Information du public par des campagnes de sensibilisation aux responsabilités des propriétaires,
- Mise en place de programmes auprès des enfants afin qu’ils soient mieux avisés des comportements canins,
- Organisation générale pour les formations (habilitations, certifications, etc.)
Fidèle à nos valeurs, AFC recommande à l’Etat de faire progresser les pratiques existantes vers d’autres voies qui nous amènent à une société beaucoup plus éthique envers les animaux de compagnie. Dans chacun des domaines abordés, il convient de partir de constats établis.
Dans tous les cas, le principe est la primauté à donner à l’éducation : celle de l’enfant à l’école, celle plus générale du citoyen, mais aussi la sensibilisation et la formation des professionnels de la filière et de l’état. Il faut éduquer et responsabiliser (notamment responsabiliser les vendeurs et surtout les acheteurs d’animaux de compagnie). Il ne devrait plus à terme être possible de posséder un animal de compagnie sans offrir des garanties de formation théorique et pratique. Il faudra d’abord veiller à une réelle application des lois existantes. Enfin il faudra reprendre la loi sur les chiens dangereux sur de réelles bases scientifiques afin de la rendre intelligente et efficace et il faudra réprimer plus sévèrement la maltraitance animale.
Dominique Desramé
Président d’Alliance Française Canine